Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/152

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— Et pourquoi l’enfant Jésus n’est-il pas avec elle ?

— Dieu n’a pas voulu qu’elle l’emmenât parce que, dans ce moment-ci, il a la petite vérole.

Alors les objections fondirent dru comme grêle sur Benjamin ; mais mon oncle n’était pas homme à avoir peur des hébétés de Moulot, le danger l’électrisait, et il parait toutes les bottes qui lui étaient portées avec une dextérité admirable, ce qui ne l’empêchait pas de temps en temps de s’arroser le gosier d’un coup de vin blanc, et, pour dire la vérité, il en était déjà à sa septième demi-bouteille.

Le maître d’école du lieu, en sa qualité de savant, se présenta le premier dans la lice.

— Comment se fait-il donc, Monsieur le Juif-Errant, que vous n’ayez pas de barbe ? Il est dit, dans la complainte de Bruxelles, que vous êtes très barbu, et partout on vous représente avec une grande barbe blanche qui vous descend jusqu’à la ceinture.

— C’était trop salissant, monsieur le maître. J’ai demandé au bon Dieu la permission de ne plus porter cette grande vilaine barbe, et il l’a fait passer dans ma queue.

— Mais, poursuivit le barbacole, comment faites-vous donc pour vous raser, puisque vous ne pouvez vous arrêter.

— Dieu y a pourvu, mon cher monsieur le maître. Chaque matin, il m’envoie le patron des perruquiers sous la forme d’un papillon, qui me rase du bout de son aile, tout en voltigeant autour de moi.

— Mais, monsieur le Juif, poursuivit le maître d’école, le bon Dieu a été bien chiche avec vous en ne mettant à votre disposition que cinq sous à la fois !

— Mon ami, riposta mon oncle en se croisant les bras sur la poitrine et en s’inclinant profondément, bénissons les décrets de