Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/205

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Mon oncle était très entêté comme s’il eût été le fils d’un cheval et d’une ânesse, et, du reste l’entêtement est un vice héréditaire dans notre famille ; cependant, il convint que l’avocat Page avait raison.

— Je crois, dit-il, monsieur Minxit, que vous ferez très bien de remettre votre épée dans le fourreau et votre chapeau à plumes dans son étui : on ne doit faire la guerre que pour des motifs extrêmement graves, et le roi qui entraîne sans nécessité une partie de son peuple sur ces vastes abattoirs qu’on appelle des champs de bataille est un assassin. Vous seriez peut-être flatté, monsieur Minxit, de prendre place parmi les héros ; mais la gloire d’un général, qu’est-ce que c’est ? des cités en débris, des villages en cendres, des campagnes ravagées, des femmes livrées à la brutalité du soldat, des enfants emmenés captifs, des tonneaux de vin défoncés dans les caves ; vous n’avez donc pas lu Fénelon, monsieur Minxit ? Tout cela est atroce, je frémis rien que d’y penser.

— Que me racontes-tu là ? répondit monsieur Minxit, il ne s’agit que de quelques coups de pioche à donner à de vieilles murailles toutes cassées.

— Eh bien ! dit mon oncle, pourquoi vous donner la peine de les abattre, lorsqu’elles ont si bonne volonté de tomber ? Croyez-moi, rendez la paix à ce beau pays ; je serais un lâche et un infâme si je souffrais que, pour venger une injure qui m’est toute personnelle, vous vous exposiez aux dangers multiples qui doivent résulter de notre expédition.

— Mais, dit M. Minxit, c’est que j’ai aussi, moi, des injures personnelles à venger sur ce hobereau ; il m’a envoyé par dérision de l’urine de cheval à consulter pour de l’urine humaine.

— Belle raison pour encourir six ans de galères ! Non, monsieur Minxit, la postérité ne vous absoudrait pas. Si vous ne songez à vous, songez à votre fille, à votre Arabelle chérie ; quel plaisir aurait-elle