Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/232

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gnobles de la Côte-d’Or et toutes les chenevières des Pays-Bas, je ne voudrais pas qu’il y eût dans le baillage un regard devant lequel le mien dût s’abaisser. Non, je ne garderai pas cet argent, quand il me le faudrait pour racheter ma vie. C’est à nous, hommes de cœur et d’instruction, à faire honneur à ce peuple au milieu duquel nous sommes nés ; il faut qu’il apprenne par nous qu’il n’est pas besoin d’être noble pour être homme, qu’il se relève par l’estime de lui-même de l’abaissement où il est descendu, et qu’il dise enfin à cette poignée de tyrans qui l’oppriment : Nous valons autant que vous, et nous sommes plus nombreux que vous ; pourquoi continuerions-nous à être vos esclaves, et pourquoi voudriez-vous rester nos maîtres ? Oh ! Page, puissé-je voir ce jour et boire de la piquette le reste de ma vie !

— Voilà qui est bel et bon, dit Page, mais tout cela ne nous donne pas de bourgogne.

— Sois tranquille, ivrogne, tu n’y perdras rien ; dimanche, je vous donne à goûter à tous, avec ces vingt francs que j’ai retirés du gosier de M. de Cambyse, et au dessert je vous raconterai leur histoire. Je vais écrire de suite à M. Minxit. Je ne puis avoir Arthus, attendu que je n’ai que vingt francs à dépenser, ou bien il faudrait qu’il voulût dîner copieusement ce jour-là ; mais si tu rencontres avant moi Rapin, Parlanta et les autres, préviens-les afin qu’ils ne s’engagent pas ailleurs.

Je dois dire de suite que ce goûter fut ajourné à huitaine, parce que M. Minxit ne put se trouver au rendez-vous ; puis indéfiniment remis, parce que mon oncle fut obligé de se séparer de ses deux pistoles.