Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/309

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opulence maussade et hargneuse, peut-être ferais-je un mauvais marché ; en tout cas je ne voudrais pas que cette opulence m’arrivât avec une femme qui me détesterait. Je vous prie donc de me dire, dans toute la sincérité de votre âme, si vous aimez M. de Pont-Cassé ; j’ai besoin de votre réponse pour régler ma conduite envers vous et envers votre père.

Mlle Minxit fut émue du ton de loyauté qu’avait mis Benjamin dans ses paroles :

— Si je vous avais connu avant M. de Pont-Cassé, c’est peut-être vous que j’aimerais maintenant.

— Mademoiselle, interrompit mon oncle, ce n’est pas de la politesse, mais de la sincérité que je vous demande ; déclarez-moi franchement si vous croyez être plus heureuse avec M. de Pont-Cassé qu’avec moi.

— Que vous dirai-je, monsieur Rathery ? répondit Arabelle, une femme n’est pas toujours heureuse avec celui qu’elle aime, mais elle est toujours malheureuse avec celui qu’elle n’aime pas.

— Je vous remercie, mademoiselle, je sais à cette heure ce que j’ai à faire. Maintenant, voulez-vous me faire servir à déjeuner ; l’estomac est un égoïste qui ne compatit guère aux tribulations du cœur.

Mon oncle déjeuna comme déjeunaient probablement Alexandre ou César la veille d’une bataille. Il ne voulut pas attendre le retour de M. Minxit ; il ne se sentait pas le courage d’affronter sa mine désolée lorsqu’il apprendrait que lui, Benjamin, qu’il traitait presque en fils, renonçait à devenir son gendre ; il aimait mieux l’informer par lettre de son héroïque détermination.

À quelque distance du bourg, il aperçut l’ami de M. de Pont-Cassé qui se promenait majestueusement de long en large sur le chemin. Le mousquetaire s’avança à sa rencontre et lui dit :