Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/351

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Le lendemain matin, le cercueil de M. Minxit, entouré de ses amis et suivi d’un long cortége de paysans, allait sortir de la maison. Le curé se présenta à la porte et ordonna aux porteurs de conduire le corps au cimetière.

— Mais, dit mon oncle, ce n’est pas au cimetière que M. Minxit a l’intention d’aller, il va dans sa prairie, et personne n’a le droit de l’en empêcher.

Le prêtre objecta que la dépouille d’un chrétien ne pouvait reposer que dans une terre bénite.

— Est-ce que la terre où nous portons M. Minxit est moins bénite que la vôtre ? est-ce qu’il n’y vient point de l’herbe et des fleurs comme dans le cimetière de la paroisse ?

— Voulez-vous donc, dit le curé, que votre ami soit damné ?

— Permettez, dit mon oncle : M. Minxit est depuis hier devant Dieu, et à moins que la cause n’ait été remise à huitaine, il est maintenant jugé. Au cas où il serait damné, ce ne serait pas votre cérémonie funèbre qui ferait révoquer son arrêt ; et, au cas où il serait sauvé, à quoi servirait cette cérémonie ?

M. le curé s’écria que Benjamin était un impie et ordonna aux paysans de se retirer. Tous obéirent, et les porteurs eux-mêmes étaient disposés d’en faire autant ; mais mon oncle tira son épée et dit :

— Les porteurs ont été payés pour porter le corps à son dernier gîte, et il faut qu’ils gagnent leur argent. S’ils s’acquittent bien de leur besogne, ils auront chacun un petit écu ; si au contraire l’un d’eux refusait d’aller, je le battrai du plat de mon épée, tant qu’il ne sera pas sur le carreau.