Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/52

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cité roule tous les jours dans sa vaste bouche ; toutefois, j’ai la prétention de croire que ma plume est utile à quelques-uns. La haie est humble, ses rameaux trempent dans l’herbe ; mais elle pique de ses épines le malfaiteur qui veut envahir l’héritage d’autrui ; elle donne ses fleurs sauvages à la bergère qui passe, et les petits oiseaux tressent en sûreté leur nid entre ses branches : j’aime mieux être une humble haie qu’un grand arbre inutile. Celui qui fait un métier infâme, c’est celui qui vend au pouvoir un vieux couton de plume dont une pauvre femme ne voudrait pas pour balayer son foyer ; celui qui, dans un intérêt d’argent, passe sa vie à mentir et à tromper ; et celui-là, je ne voudrais pas être à sa place.

« Donc je suis un pamphlétaire ; mais suis-je bien un impie, ainsi que les prêtres voudraient le faire croire à leurs béates ? un impie selon la religion des prêtres, je ne m’en défends pas ; mais, selon celle de Jésus-Christ, je proteste. Et qu’est-ce que le juge suprême, si je comparaissais demain à son tribunal, aurait donc tant à me reprocher ? Je n’ai point empli mes mains d’argent ; je n’ai point trafiqué de ma pensée ; je l’ai donnée aux hommes telle que Dieu me l’envoyait, comme l’arbre leur donne ses fruits. J’ai pris des mains de Dieu ma ration de pain quotidien, sans jamais lui en demander une plus grosse. Quand ce pain est noir, je ne me plains point ; quand il est blanc, je le mange de bon appétit ; mais blanc ou noir, je n’en laisse jamais pour le lendemain ; je vais droit devant moi sans regarder en avant, sans regarder en arrière, ne cherchant qu’à éviter le caillou qui est à mes pieds, et ne l’évitant pas toujours. Lorsque je rencontre une mauvaise herbe sur mon chemin, je l’arrache ; quand c’est une bonne graine, je fais un trou en terre et je l’y dépose : si elle ne vient pas pour moi, elle viendra toujours pour un autre. Je fais comme le papillon qui jouit de l’été sans songer que l’hiver est au