Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/56

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même au peuple anglais du siècle dernier : « Ceux qui vous servent seront toujours haïs et méprisés, toujours hués et toujours pillés, toujours réduits à la misère et à la potence, ce qui ne les empêchera pas de vous servir, et c’est ce que je fais. »

C’est le fais ce que dois, advienne que pourra, des preux chevaliers, qui passe ainsi aux vils pamphlétaires. Aujourd’hui la noblesse est aux vilains.

Il n’est pas besoin, non plus, d’avoir vu Claude Tillier, pauvre malade, souffrir stoïquement, jouer avec son mal et rire au nez de la mort, pour connaître sa philosophie et sa force d’ame, quand on lit ce feuillet si triste et si gai, si plein à la fois de raillerie et de résignation :

« Voici maintenant quelques pamphlets de la façon des béates. Il y a, à mon égard, un schisme dans la congrégation de M. Gaume [1] : beaucoup de ses vierges prétendent que je me meurs par la protection de sainte Flavie ; beaucoup, aussi, plus impatientes que les autres, veulent que je sois déjà mort, très mort, et même enterré. Je me meurs, soit ; cela est possible. Il y a long-temps, en effet, que les années de la jeunesse, ces beaux oiseaux de passage, qui fuient aux approches de l’hiver, se sont envolées de moi. J’ai fait plus de la moitié de mon voyage ; déjà je suis sur l’autre versant de la vie, terre morne où il reste à peine aux arbres quelques feuilles, et dont le ciel gris

  1. M. Gaume est un abbé qui a rapporté de Rome à Nevers, pour son évoque, M. Dufètre, le fémur de sainte Flavie, dont Tillier s’est si bien moqué, comme on verra.