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À M. DUFÊTRE.

leurs haillons. Si donc vos tournées donnent à quelques-uns des droits à une indemnité, il me semble que c’est à ces pauvres desservants qui ont eu le malheur d’être placés sur votre itinéraire. Il est peu dans l’ordre que ce soit le riche qui reçoive et le pauvre qui débourse. En distribuant entre vos hôteliers les deux mille francs que vous tenez de la munificence du département, vous ne ferez que payer une dette, et pour être un illustre prélat, il faut, avant toute autre chose, payer ses dettes.

En tout cas, monseigneur, si nous vous devons des frais de voyage, nous ne sommes pas forcés de les payer sans compter et par somme ronde de mille francs. Faites-nous la note de vos déboursés, et nous verrons ; car enfin, puisque c’est une indemnité de voyage que vous réclamez, il ne vous revient que ce que vous avez dépensé en route. Il me faut deux mille francs ! vous écriez-vous : cela est bientôt dit. Quoi ! deux mille francs pour un voyage d’une huitaine de jours et d’une cinquantaine de lieues ! Mais celui qui tient l’escarcelle épiscopale, jette donc l’or à deux mains sur la route ? En vérité, un régiment en marche dépense moins que vous, et une frégate en mer ne dépense pas davantage. Avec deux mille francs, moi, je ferais le tour du monde, et avec dix écus celui du département. Où en seraient donc les commis voyageurs, s’ils dépensaient autant que votre seigneurie ? Vous ne pouvez, dit-on, vous qui êtes, partout où vous avez la fantaisie d’aller, l’envoyé de Dieu, voyager comme un simple bourgeois ! Vous, l’envoyé de Dieu, soit ; mais alors, avant de vous délivrer votre ordre de départ, Dieu devrait bien mettre un paquet de billets de banque dans votre poche. Et comment voyageait donc Jésus-Christ, s’il vous plaît, lorsqu’il traversait la Galilée ? Je m’en vais vous le dire, moi : il partait de bonne heure, à pied, entouré de ses disciples ; il s’arrêtait là où la faim le surprenait, soit sous un arbre du chemin, soit dans une chaumière, et il mangeait des mêmes fruits que les oiseaux ou du même pain que ses plus humbles hôtes. Il est vrai que Jésus-Christ n’est que le maître, et que