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LETTRES AU SYSTÈME.

nombre. Car enfin il n’est pas plus difficile d’en faire plusieurs que d’en faire un. Dans ce cas, il faut leur accorder le suffrage médiat sans aucune restriction. Si au contraire ils sont impuissants pour faire un grand nombre d’électeurs politiques, ils ne sont bons pour en faire aucun ; alors il faut les priver entièrement du droit d’élection. Puis il faut être juste envers tout le monde : ne serait-il pas, je dirai bizarre, pour ne rien dire de plus, qu’un sous-lieutenant de garde nationale fût électeur par son grade, et qu’un colonel de l’armée active ne pût l’être par le sien ? Le choix d’une douzaine d’individus est-il plus respectable que de longs services rendus à la patrie ?

Que faut-il donc faire, dites-vous ? C’est ainsi qu’on est toujours embarrassé quand on s’écarte du droit chemin de la règle pour se jeter dans les sentiers perdus de l’exception. Ce qu’il faut faire ? Il faut rendre à la nation la souveraineté dont elle a été dépouillée. L’Évangile, cette grande charte du monde, a dit : Rendez à chacun ce qui lui appartient ; voilà la loi des prophètes. Qu’on soit gouvernement, chambre haute ou basse, roi ou peuple, advienne que pourra, il faut être honnête homme ; si on n’était honnête homme qu’à son profit, la probité ne serait plus une vertu, elle serait un calcul. Dans une nation où il y a des prolétaires et des citoyens, pour établir la légitimité d’un pareil ordre de choses, il faudrait prouver que les uns sont plus que des hommes ou que les autres ne sont que des brutes. Ces gens que vous appelez autocrates, empereurs, moi je les appelle des voleurs de couronnes. Ils ne sont point traduits aux assises pour cela ; ils ont même une main de justice au bout de leur sceptre ; mais quand déshabillés de leur pourpre et décoiffés de leur couronne, ils comparaîtront à la barre suprême, qui sait ce que Dieu pensera de leur autocratie !

Vous alléguez, pour autoriser votre usurpation, l’intérêt de l’État. L’intérêt de l’État ! Mais il n’y a point de roi assassin, de ministre corrupteur, de chef de conspiration, de commissaire de police qui vous fait jeter en prison parce que vous avez perdu votre