Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/309

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si toutes deux ne sont qu’une même chose ; et je suppose ici que je ne connois encore aucune raison qui me persuade plutôt l’un que l’autre : d’où il suit que je suis entièrement indifférent à le nier ou à l’assurer, ou bien même à m’abstenir d’en donner aucun jugement.

Et cette indifférence ne s’étend pas seulement aux choses dont l’entendement n’a aucune connoissance, mais généralement aussi à toutes celles qu’il ne découvre pas avec une parfaite clarté, au moment que la volonté en délibère ; car pour probables que soient les conjectures qui me rendent enclin à juger quelque chose, la seule connoissance que j’ai que ce ne sont que des conjectures et non des raisons certaines et indubitables, suffit pour me donner occasion de juger le contraire : ce que j’ai suffisamment expérimenté ces jours passés, lorsque j’ai posé pour faux tout ce que j’avois tenu auparavant pour très véritable, pour cela seul que j’ai remarqué que l’on en pouvoit en quelque façon douter. Or, si je m’abstiens de donner mon jugement sur une chose, lorsque je ne la conçois pas avec assez de clarté et de distinction, il est évident que je fais bien, et que je ne suis point trompé ; mais si je me détermine à la nier ou assurer, alors je ne me sers pas comme je dois de mon libre arbitre ; et si j’assure ce qui n’est pas vrai, il est évident que je me trompe : même aussi,