Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/324

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pensée ne se trouvât point divertie par la présence continuelle des images des choses sensibles, il n’y auroit aucune chose que je connusse plus tôt ni plus facilement que lui. Car y a-t-il rien de soi plus clair et plus manifeste que de penser qu’il y a un Dieu, c’est-à-dire un Être souverain et parfait, en l’idée duquel seul l’existence nécessaire ou éternelle est comprise, et par conséquent qui existe ? Et quoique, pour bien concevoir cette vérité, j’aie eu besoin d’une grande application d’esprit, toutefois à présent je ne m’en tiens pas seulement aussi assuré que de tout ce qui me semble le plus certain : mais outre cela je remarque que la certitude de toutes les autres choses en dépend si absolument, que sans cette connoissance il est impossible de pouvoir jamais rien savoir parfaitement.

Car encore que je sois d’une telle nature que, dès aussitôt que je comprends quelque chose fort clairement et fort distinctement, je ne puis m’empêcher de la croire vraie ; néanmoins, parceque je suis aussi d’une telle nature que je ne puis pas avoir l’esprit continuellement attaché à une même chose, et que souvent je me ressouviens d’avoir jugé une chose être vraie, lorsque je cesse de considérer les raisons qui m’ont obligé à la juger telle, il peut arriver pendant ce temps-là que d’autres raisons se présentent à moi, lesquelles me fe-