Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/361

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Mais je suis ici contraint de m’arrêter un peu, de peur de me fatiguer trop ; car j’ai déjà l’esprit aussi agité que le flottant Euripe : j’accorde, je nie, j’approuve, je réfute, je ne veux pas m’éloigner de l’opinion de ce grand homme, et toutefois je n’y puis consentir. Car, je vous prie, quelle cause requiert une idée ? ou dites-moi ce que c’est qu’idée. Si je l’ai bien compris, « c’est la chose même pensée en tant qu’elle est objectivement dans l’entendement. » Mais qu’est-ce qu’être objectivement dans l’entendement ? Si je l’ai bien appris, c’est terminer à la façon d’un objet l’acte de l’entendement, ce qui en effet n’est qu’une dénomination extérieure, et qui n’ajoute rien de réel à la chose. Car, tout ainsi qu’être vu n’est en moi autre chose sinon que l’acte que la vision tend vers moi, de même être pensé, ou être objectivement dans l’entendement, c’est terminer et arrêter en soi la pensée de l’esprit ; ce qui se peut faire sans aucun mouvement et changement en la chose, voire même sans que la chose soit. Pourquoi donc rechercherai-je la cause d’une chose qui actuellement n’est point, qui n’est qu’une simple dénomination et un pur néant ?

Et néanmoins, dit ce grand esprit, « de ce qu’une idée contient une telle réalité objective, ou celle-là plutôt qu’une autre, elle doit sans doute avoir cela de quelque cause[1]. » Au contraire, d’aucune ;

  1. Méditations III, page 274