Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/390

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Maintenant, lorsqu’on dit que toute limitation est par une cause, je pense à la vérité qu’on entend une chose vraie, mais qu’on ne l’exprime pas en termes assez propres, et qu’on n’ôte pas la difficulté ; car, à proprement parler, la limitation est seulement une négation d’une plus grande perfection, laquelle négation n’est point par une cause, mais bien la chose limitée. Et encore qu’il soit vrai que toute chose est limitée par une cause, cela néanmoins n’est pas de soi manifeste, mais il le faut prouver d’ailleurs. Car, comme répond fort bien ce subtil théologien, une chose peut être limitée en deux façons, ou parceque celui qui l’a produite ne lui a pas donné plus de perfections, ou parceque sa nature est telle qu’elle n’en peut recevoir qu’un certain nombre, comme il est de la nature du triangle de n’avoir pas plus de trois côtés : mais il me semble que c’est une chose de soi évidente, et qui n’a pas besoin de preuve, que tout ce qui existe est ou par une cause, ou par soi comme par une cause ; car puisque nous concevons et entendons fort bien, non seulement l’existence, mais aussi la négation de l’existence, il n’y a rien que nous puissions feindre être tellement par soi, qu’il ne faille donner aucune raison pourquoi plutôt il existe qu’il n’existe point ; et ainsi nous devons toujours interpréter ce mot, être par soi, positivement, et comme si c’étoit être par une