Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/417

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fait voir, dans ma seconde Méditation, que je m’en étois assez souvenu, vu que j’y ai mis ces paroles : « Mais aussi peut-il arriver que ces mêmes choses que je suppose n’être point parcequ’elles me sont inconnues, ne sont point en effet différentes de moi que je connois : je n’en sais rien, je ne dispute pas maintenant de cela, etc. » Par lesquelles j’ai voulu expressément avertir le lecteur, que je ne cherchois pas encore en ce lieu-là si l’esprit étoit différent du corps, mais que j’examinois seulement celles de ses propriétés dont je puis avoir une claire et assurée connoissance. Et, d’autant que j’en ai là remarqué plusieurs, je ne puis admettre sans distinction ce que vous ajoutez ensuite : « Que je ne sais pas néanmoins ce que c’est qu’une chose qui pense. » Car, bien que j’avoue que je ne savois pas encore si cette chose qui pense n’étoit point différente du corps, ou si elle l’étoit, je n’avoue pas pour cela que je ne la connoissois point ; car qui a jamais tellement connu aucune chose qu’il sût n’y avoir rien en elle que cela même qu’il connoissoit ? Mais nous pensons d’autant mieux connoître une chose qu’il y a plus de particularités en elle que nous connoissons ; ainsi nous ayons plus de connoissance de ceux avec qui nous conversons tous les jours que de ceux dont nous ne connoissons que le nom ou le visage ; et toutefois nous ne jugeons pas que ceux-ci nous soient tout-