Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/420

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envisagé une fois, il le faut examiner souvent et le considérer long-temps, afin que l’habitude de confondre les choses intellectuelles avec les corporelles, qui s’est enracinée en nous pendant tout le cours de notre vie, puisse être effacée par une habitude contraire de les distinguer, acquise par l’exercice de quelques journées. Ce qui m’a semblé une cause assez juste pour ne point traiter d’autre matière en la seconde Méditation.

Vous demandez ici comment je démontre que le corps ne peut penser : mais pardonnez-moi si je réponds que je n’ai pas encore donné lieu à cette question, n’ayant commencé à en traiter que dans la sixième Méditation, par ces paroles : « C’est assez que je puisse clairement et distinctement concevoir une chose sans une autre pour être certain que l’une est distincte ou différente de l’autre, etc. » Et un peu après : « Encore que j’aie un corps qui me soit fort étroitement conjoint, néanmoins, parceque, d’un côté, j’ai une claire et distincte idée de moi-même en tant que je suis seulement une chose qui pense et non étendue, et que d’un autre j’ai une claire et distincte idée du corps en tant qu’il est seulement une chose étendue et qui ne pense point, il est certain que moi, c’est-à-dire mon esprit ou mon âme, par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement et véritablement distincte de mon corps, et qu’elle peut être ou