Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome IV.djvu/164

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nous, ils peuvent toujours nous donner une entière satisfaction.

Art. 147. Des émotions intérieures de l’âme.

J’ajouterai seulement encore ici une considération qui me semble beaucoup servir pour nous empêcher de recevoir aucune incommodité des passions ; c’est que notre bien et notre mal dépendent principalement des émotions intérieures qui ne sont excitées en l’âme que par l’âme même, en quoi elles diffèrent de ces passions, qui dépendent toujours de quelque mouvement des esprits ; et bien que ces émotions de l’âme soient souvent jointes avec les passions qui leur sont semblables, (441) elles peuvent souvent aussi se rencontrer avec d’autres, et même naître de celles qui leur sont contraires. Par exemple, lorsqu’un mari pleure sa femme morte, laquelle (ainsi qu’il arrive quelquefois) il serait fâché de voir ressuscitée, il se peut faire que son cœur est serré par la tristesse que l’appareil des funérailles et l’absence d’une personne à la conversation de laquelle il était accoutumé excitent en lui ; et il se peut faire que quelques restes d’amour ou de pitié qui se présentent à son imagination tirent de véritables larmes de ses yeux, nonobstant qu’il sente cependant une joie secrète dans le plus intérieur de son âme, l’émotion de laquelle