Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome V.djvu/456

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n’est besoin pour cela que d’un effort et mouvement naturel.

Pour ce qui regarde les différentes passions que la musique peut exciter en nous par la seule variété des mesures, je dis en général qu’une mesure lente produit en nous des passions lentes, telles que peuvent être la langueur, la tristesse, la crainte et l’orgueil, etc. ; et que la mesure prompte, au contraire, fait naître des passions promptes et plus vives, comme est la gaieté et la joie, etc.

Il faut dire la même chose de deux manières de battre la mesure, que celle qui est carrée ou qui se résout toujours en parties égales est plus lente et moins vive que celle qu’on bat en triplât, ou qui est composée de trois temps ; dont la raison est que celle-ci arrête et tient le sens plus attentif, d’autant qu’elle renferme plus de choses à observer, à savoir trois membres, y au lieu qu’en celle-là il n’y en a que deux. Mais une recherche plus exacte de cette matière suppose aussi une connoissance plus profonde des passions de l’âme, ainsi je n’en dirai pas davantage.

Je ne puis néanmoins oublier que la mesure a tant de puissance et de force dans la musique, qu’elle seule est capable de faire sentir à l’oreille quelque plaisir, comme l’expérience le fait voir en un tambour qu’on touche pour régler la marche ou avertir les gens de guerre ; car toute son