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56 LA DIOPTRIQUE.

mière fort vive, ils en retiennent après un peu de temps l’impression, en telle sorte que, nonobstant même qu’on les tienne fermés, il semble qu’on voie diverses couleurs qui se changent et passent de l’une à l’autre, à mesure qu’elles s’affoiblissent : car cela ne peut procéder que de ce que les petits filets du nerf optique, ayant été mus extraordinairement fort, ne se peuvent arrêter sitôt que de coutume ; mais l’agitation qui est encore en eux après que les yeux sont fermés, n’étant plus assez grande pour représenter cette forte lumière qui l’a causée, représente des couleurs moins vives ; et ces couleurs se changent en s’affoiblissant, ce qui montre que leur nature ne consiste qu’en la diversité du mouvement, et n’est point autre que je l’ai ci-dessus supposée. Et, enfin, ceci se manifeste de ce que les couleurs paroissent souvent en des corps transparents, où il est certain qu’il n’y a rien qui les puisse causer que les diverses façons dont les rayons de la lumière y sont reçus, comme lorsque l’arc-en-ciel paroît dans les nues, et encore plus clairement lorsqu’on en voit la ressemblance dans un verre qui est taillé à plusieurs faces.

Mais il faut ici particulièrement considérer en quoi consiste la quantité de la lumière qui se voit, c’est-à-dire de la force dont est mu chacun des petits filets du nerf optique, car elle n’est pas toujours égale à la lumière qui est dans les objets,