Page:Œuvres de François Villon Thuasne 1923.djvu/134

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Chatelain, p. 213 et 262) ; quant aux ballades en jargon, cf. ce qui en est dit plus haut.

La langue. — Pénétré de l’enseignement scolastique qu’il avait reçu à la Faculté des arts et élevé à Saint-Benoît dans la société de juristes, de décrétistes et de théologiens, Villon se complaît parfois, dans ses vers, à parodier la langue du droit coutumier et du droit canon, et à ridiculiser le fatras de l’école. Dans ses rapports avec le Palais, l’Officialité et le Trésor, il a vite acquis la langue afférente à ces milieux, et il excelle dans le choix des mots et dans la propriété des termes. Généralement sincère dans ce qu’il dit, mais ne disant que ce qu’il veut bien dire, il ne fait que de rares allusions à sa vie de coquillart (abstraction faite, bien entendu, des ballades en jargon qui constituent une œuvre entièrement à part) ; et il y met tant d’habileté que les commentateurs se sont complètement mépris sur le sens très particulier de ses expressions argotiques dans la ballade [aux Enfans perduz] comme « aller à Ruel ou à Montpipeau » qu’on a expliqué dans le sens littéral alors que ce sont là des termes « exquis » rentrant dans le parler des malandrins de la Coquille. Toutefois, le procédé de l’antiphrase qu’affectionne Villon n’est certainement pas étranger à l’habitude qu’on relève, dans le jargon, à nommer une chose par son contraire. La fréquentation de Villon avec les filles lui suggère l’emploi du parler commun à ce monde spécial, et dans la ballade de la Grosse Margot qui confine à l’argot par tant de côtés, il va jusqu’à y mêler de ces mots équivoques empruntés au langage des gens d’armes anglais qui avaient si longtemps séjourné à Paris et dans ses environs. Il parle aussi et surtout la langue du peuple dont il sort ; de là les proverbes et les plaisanteries grivoises dont il émaille ses poésies qui s’adressent, à vrai dire, au public restreint des lettrés, les clercs et les