Page:Œuvres de François Villon Thuasne 1923.djvu/59

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manuscrit n’était peut-être pas séchée encore, vint tout changer. Colin de Cayeux avait frappé à sa porte et venait lui proposer une opération fructueuse qui consistait à aller voler dans le Collège de Navarre une forte somme en or appartenant à la Faculté de théologie qui l’y avait mise en dépôt[1]. Cette affaire sur laquelle Villon s’est bien gardé de jamais souffler mot nous est pleinement connue par l’enquête faite par les examinateurs au Châtelet de Paris, à la date des 9 et 10 mars 1457[2]. Il y est dit en substance que Villon et son compagnon, après cette conversation, étaient sortis et avaient rencontré dans la rue Guy Tabarie, le même qui avait « grossé » le Romant du Pet au Deable. Villon lui avait remis quelque argent pour aller acheter de quoi dîner ensemble à l’hôtel de la Mule, dans la rue Saint-Jacques devant les Mathurins, ce qu’il fit[3]. A ce dîner vinrent prendre part un moine nommé Dom Nicolas, des marches de Picardie, et un certain Petit Jehan, fortis operator crochetorum, dit l’enquête. Après le repas, ils se dirigèrent vers le Collège de Navarre, et y pénétrèrent vers les dix heures, Tabarie étant resté dehors pour la garde des « gippons » et pour faire le guet. Vers minuit, l’opération qui avait eu un plein succès, était terminée. Les compagnons se partagèrent

  1. C’était une habitude de mettre en dépôt de l’argent dans le trésor des églises. Cf. un dépôt fait à Notre-Dame de Paris ; un autre dans le trésor du Collège de Dormans ; un autre dans la chapelle du Collège de Presles, apud Tuetey, Testaments enregistrés au Parlement de Paris sous le règne de Charles VI, p. 320 (Collection des doc. inédits sur l’Histoire de France, Mélanges historiques, l. III (1880), in-40).
  2. Cf. l’enquête faite par Jean Mautaint et Jean du Four, examinateurs au Châtelet de Paris, au sujet du vol commis au Collège de Navarre, dans Longnon, Étude biogr., p. 139-150, doc. VI.
  3. Dans les tavernes, on ne servait qu’à boire. Pour y manger, il fallait y apporter ses provisions. Encore aujourd’hui, dans certaines guinguettes de la banlieue parisienne, on lit cet avis : « Ici on apporte son manger. »