Page:Œuvres de François Villon Thuasne 1923.djvu/67

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misères de toute sorte, une âme si forte, si sereine et encore capable dans son Épître [à ses amis][1] de rire « en pleurs », comme il le disait dans sa ballade du Concours de Blois[2]. Il les priait d’adresser en son nom une supplique au roi pour le tirer de cet enfer qu’il a qualifié encore ici d’« exil »[3]. Sans doute avait-il appris par son geôlier la mort de Charles VII, survenue le 22 juillet 1461, et avait-il pu faire passer sa requête ; ou plutôt n’était-ce là qu’une charmante invention de son esprit, comptant bien sur ses amis du dehors pour intercéder en sa faveur. Mais si vraiment Villon a pu envoyer cette Epistre, c’est que sa prison n’était pas aussi rigoureuse qu’il le dit. Comment admettre en effet, qu’un homme enferré au fond d’un cachot obscur[4], le ventre creux, le cerveau vidé par la faim, en pleine misère physiologique, ait pu composer cette pièce étincelante d’esprit et souriante quand même ? Pareillement, dans le dialogue qu’il suppose entre son Corps et son

  1. Poés. div., X.
  2. Ibid, VII.
  3. Exil, au xve s., a une triple signification : d’abord celle « d’expulsion hors de la patrie », puis celle de « destruction, ruine » ; cf. Du Gange s. v. exilium, exulatio ; enfin celle de « séjour loin d’un lieu où l’on voudrait être », sens qu’il a encore aujourd’hui.
  4. Ou gist, il n’entre escler ne tourbillon :
    De murs espoix on luy a fait bandeaux.
    (Poés. div., X, 18-19.)

    En outre les prisonniers, à Paris, du moins, ne pouvaient rien écrire sans autorisation : « Item, que nul prisonnier n’ait escripteure, ancre ne papier. Et sera tenu le geolier de bien s’en prendre garde.

    « Item que nul prisonnier ne fase faire ne escripre lettres closes ne autres en la geole, se ce n’est par congié. Et qu’elles soient monstrees au prevost ou a son lieutenant. » Dupuy, 247, fol. 233. C’est l’Instruccion du fait et de l’estat de la geole (Paris, 1372), fol. 229 et suiv. — De même, Ordonnances, t. XIII, p. ici (Ord. royaulx du Chastellet a Paris, may 1425).