Page:Œuvres de François Villon Thuasne 1923.djvu/89

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NOTICE BIOGRAPHIQ.UE 73

si énorme fùt-il, était effacé par la contrition sincère. C'était l'enseignement de l'Église qui jugeait avec une sévé- rité peut-être moins grande les manquements aux comman- dements de Dieu que ceux faits à elle-même' . Faute d'être pénétré de ces vérités, le lecteur courrait le risque de ne voir en Villon qu'une énigme. Comment admettre, en effet, qu'un professionnel du crime, affilié à une bande de mal- faiteurs, vivant dans un milieu de chenapans et de filles, ait pu conserver intacts les sentiments de piété filiale, de patriotisme et de foi religieuse, et porter en soi la fleur la plus délicate de poésie, si l'on n'admettait chez lui, comme chez ses contemporains, d'ailleurs, une conception toute différente de la morale telle que nous la concevons aujourd'hui? Du reste, la société laïque se comportait exactement à l'endroit des criminels de droit commun comme l'Église à l'égard des pécheurs. Dans le premier cas, lorsque « le prince » préférant « miséricorde à rigueur de justice » remettait sa peine au coupable, fallait-il encore que celui-ci eût donné satisfaction à la partie civile ; l'Église, de son côté, pourvu que le pécheur eût détesté sa faute et eût eu « remords de conscience », effaçait cette faute, si grande fût-elle. La miséricorde de Dieu étant infinie, un vrai repentir lavait la faute et la faisait oublier. Robert de Sorbon rapporte le trait suivant à l'appui de cette opinion :

I. L'honnête Gerson, après avoir énuméré les péchés les plus(( abho- minables », poursuit: « Et telz péchiez sont pires que n'est menger char le grant vendredi. » Cy commence Vexanien de conscience, fr. 1836, fol. 47. Le rédacteur du Journal d'un hourgeois de Paris, après avoir rapporté toutes les atrocités des Écorcheurs, ajoute « pour mettre le comble à l'horreur qu'il veut inspirer » (G. Paris, F. Villon, p. 78) : « Item,ilz mengeoient char en karesme, fromage, lait et œufs comme en autre temps! )> p. 351 {an. 1440). Cf. un autre exemple topique, emprunté à l'Italie du xv^ siècle, dans mon volume Djem-SuUan (Paris, 1892), p. 89, n. 4.

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