Page:Œuvres de Louise Ackermann.djvu/10

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paternelle. J’attendais avec impatience l’heure où ses trésors s’ouvriraient pour moi. Les lectures que se faisaient entre eux mon père et ma mère, m’en donnaient déjà comme un avant-goût. Molière, La Fontaine, Racine, Corneille, résonnaient incessamment à mes oreilles. Je n’y comprenais rien, et cependant j’étais ravie.

Dès que je sus lire, je me précipitai avidement sur tous les livres qui se trouvaient à ma portée. Je n’oublierai jamais le plaisir que me fit un jour mon père en me donnant un Corneille complet pour mes étrennes. Ce fut certainement une des joies les plus vives de ma vie. C’est ainsi que j’atteignis mes douze ans.

Mon père, voltairien de vieille roche m’avait soustraite jusque-là à tout enseignement religieux. Il m’aurait volontiers épargné cette première communion dont il s’était si bien passé lui-même. Mais ma mère, qui avait un sentiment très vif des convenances mondaines, tint absolument à me la faire faire. Je fus mise à cet effet en pension dans une petite ville voisine, à Montdidier. Les premières ouvertures du catéchisme firent sur moi un effet foudroyant. Sérieuse à la fois et crédule, je pris au pied de la lettre les histoires de péché et de rédemption qui me furent débitées ; je les embrassai même avec une passion qu’on n’aurait