Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome second, 1750.djvu/246

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Eſt-il ſi criminel d’aſpirer à l’empire
Dès que vous renoncez vous-mêmes à régner ?
Un trône, quel qu’il ſoit, n’eſt point à dédaigner.
Non, non, Catilina n’eſt pas le plus coupable :
Voyez de votre état la chute épouvantable,
Ce que fut le ſénat, ce qu’il eſt aujourd’hui,
Et le profond mépris qu’il inſpire pour lui.
Scipion, qui des dieux fut le plus digne ouvrage,
Scipion, ce vainqueur du héros de Carthage,
Scipion, des mortels qui fut le plus chéri,
Par un vil délateur ſe vit preſque flétri :
Alors la liberté ne ſavait pas dans Rome
Du ſimple citoyen diſtinguer le grand homme ;
Malgré tous ſes exploits, le vainqueur d’Annibal
Se ſoumit en tremblant à votre tribunal.
Sylla vient, qui remplit Rome de funérailles,
Du ſang des ſénateurs inonde nos murailles :
Il fait plus ; ce tyran, las de régner enfin,
Abdique inſolemment le pouvoir ſouverain,
Comme un bon citoyen, meurt heureux et tranquille,
En bravant le courroux d’un ſénat imbécile,
Qui, charmé d’hériter de ſon autorité,
Éleva juſqu’au ciel ſa généroſité,
Et nomma ſans rougir père de la patrie
Celui qui l’égorgeait chaque jour de ſa vie.
Si vous euſſiez puni le barbare Sylla,