Page:Œuvres de Robespierre.djvu/189

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décider. Pesons donc les avantages et les inconvénients des deux systèmes contraires.

Une importante considération, et peut-être une raison décisive, se présente d’abord. Quel est le principal avantage, quel est le but essentiel de la liberté de la presse ? C’est de contenir l’ambition et le despotisme de ceux à qui le peuple a commis son autorité, en éveillant sans cesse son attention sur les atteintes qu’ils peuvent porter à ses droits. Or, si vous leur laissez le pouvoir de poursuivre, sous le prétexte de calomnie, ceux qui oseront blâmer leur conduite, n’est-il pas clair que ce frein devient absolument impuissant et nul ? Qui ne voit combien le combat est inégal entre un citoyen faible, isolé, et un adversaire armé des ressources immenses que donnent un grand crédit et une grande autorité ? Qui voudra déplaire aux hommes puissants pour servir le peuple, s’il faut qu’au sacrifice des avantages que présente leur faveur, et au danger de leurs persécutions secrètes, se joigne encore le malheur presque inévitable d’une condamnation ruineuse et humiliante ?

Mais, d’ailleurs, qui jugera les juges eux-mêmes ? car, enfin, il faut bien que leurs prévarications ou leurs erreurs ressortent, comme celles des autres magistrats, du tribunal de la censure publique. Qui jugera le dernier jugement qui décidera ces contestations ? car il faut qu’il y en ait un qui soit le dernier ; il faut bien aussi qu’il soit soumis à la liberté des opinions. Concluons qu’il faut toujours revenir au principe, que les citoyens doivent avoir la faculté de s’expliquer et décrire sur la conduite des hommes publics, sans être exposés à aucune condamnation légale.

Attendrai-je des preuves juridiques de la conjuration de Catilina, et n’oserai-je la dénoncer au moment où il faudrait déjà l’avoir étouffée ? Comment oserai-je dévoiler les desseins perfides de tous ces chefs de parti qui s’apprêtent à déchirer le sein de la république, qui, tous, se couvrent