Page:Œuvres de Robespierre.djvu/208

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nable, je ne vois là pour le législateur et pour la société qu’un devoir sacré de lui fournir les moyens de recouvrer l’égalité essentielle des droits au milieu de l’inégalité inévitable des biens. Hé quoi ! ce petit nombre d’hommes excessivement opulens, cette multitude infinie d’indigens n’est-elle pas en grande partie le crime des lois tyranniques et des gouvernemens corrompus ! Quelle manière de l’expier que d’ajouter à la privation des avantages de la fortune l’opprobre de l’exhérédation politique, afin d’accumuler sur quelques têtes privilégiées toutes les richesses et tout le pouvoir, et sur le reste des hommes toutes les humiliations et toute la misère ! Certes il faut ou soutenir que l’humanité, la justice, les droits du peuple sont de vains noms, ou convenir que ce système n’est point si absurde.

Au reste, pour me renfermer dans l’objet de cette discussion, je conclus de ce que j’ai dit que l’État doit faire les dépenses nécessaires pour mettre les citoyens en état de remplir les fonctions de gardes nationales, qu’il doit les armer, qu’il doit, comme en Suisse, les salarier lorsqu’ils abandonnent leurs foyers pour le défendre ! Eh ! quelle dépense publique fut jamais plus nécessaire et plus sacrée ! Quelle serait cette étrange économie qui, prodiguant tout au luxe funeste et corrupteur des cours ou au faste des suppôts du despotisme, refuserait tout au besoin des fonctionnaires publics et aux défenseurs de la liberté ! Que pourrait-elle annoncer si ce n’est qu’on préfère le despotisme à l’argent et l’argent à la vertu et à la liberté ![1]

  1. Ce discours prononcé aux Jacobins provoqua un vif enthousiasme : « Qui pourrait ne pas partager la sainte indignation que Robespierre fit éclater aux Jacobins dans un discours admirable ? » s’écrie Camille Desmoulins dans les Révolutions de France et de Brabant. Ce discours fut aussitôt publié en brochure, et voici en quels termes l’annonce le même Camille Desmoulins : « Discours sur l’organisation des gardes nationales, par Maximilien Robespierre (et non pas Robertspierre, comme affectent de le nommer des journalistes qui trouvent