Page:Œuvres de Robespierre.djvu/336

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Je sais que les plus sages mêmes d’entre eux se sont permis de mêler à la vérité quelques fictions, soit pour frapper l’imagination des peuples ignorants, soit pour les attacher plus fortement à leurs institutions ; Lycurgue et Solon eurent recours à l’autorité des oracles, et Socrate lui-même, pour accréditer la vérité parmi ses concitoyens, se crut obligé de leur persuader qu’elle lui était inspirée par un génie familier.

Vous ne conclurez pas de là sans doute qu’il faille tromper les hommes pour les instruire, mais seulement que vous êtes heureux de vivre dans un siècle et dans un pays dont les lumières ne vous laissent d’autre tâche à remplir que de rappeler les hommes à la nature et à la vérité.

Vous vous garderez bien de briser le lien sacré qui les unit à l’auteur de leur être : il suffit même que cette opinion ait régné chez un peuple pour qu’il soit dangereux de la détruire, car les motifs des devoirs et les bases de la moralité s’étant nécessairement liés à cette idée, l’effacer c’est démoraliser le peuple. Il résulte du même principe qu’on ne doit jamais attaquer un culte établi qu’avec prudence et avec une certaine délicatesse, de peur qu’un changement subit et violent ne paraisse une atteinte portée à la morale, et une dispense de la probité même. Au reste, celui qui peut remplacer la Divinité dans le système de la vie sociale est à mes yeux un prodige de génie ; celui qui, sans l’avoir remplacée, ne songe qu’à la bannir de l’esprit des hommes me paraît un prodige de stupidité ou de perversité.

Qu’est-ce que les conjurés avaient mis à la place de ce qu’ils détruisaient ? Rien, si ce n’est le chaos, le vide et la violence : ils méprisaient trop le peuple pour prendre la peine de le persuader ; au lieu de l’éclairer, ils ne voulaient que l’irriter, l’effaroucher ou le dépraver.

Si les principes que j’ai développés jusqu’ici sont des erreurs, je me trompe du moins avec tout ce que le monde