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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

venus ces principes, ce qui ne nous intéresse en rien.

Ainsi donc, puisque les prophètes ont perçu par l’imagination les révélations divines, il en résulte que leur faculté perceptive s’étendait bien au delà des limites de l’entendement ; car avec des paroles et des images il est possible de former un plus grand nombre d’idées qu’avec les principes et les notions sur lesquels toute notre connaissance naturelle est assise.

On voit en outre clairement pourquoi les prophètes ont toujours perçu et enseigné toutes choses par paraboles et d’une manière énigmatique, et exprimé corporellement les choses spirituelles ; tout cela convenant à merveille à la nature de l’imagination. Nous ne nous étonnerons plus maintenant que l’Écriture et les prophètes parlent en termes si impropres et si obscurs de l’esprit ou de l’âme de Dieu, comme dans les Nombres, chap. xi, vers. 17, et le premier livre des Rois, chapitre xxii, vers. 2, etc., que Michée nous représente Dieu assis, que Daniel nous le peigne comme un vieillard couvert de blancs vêtements, Ézéchiel comme un feu, enfin que les personnes qui entouraient le Christ aient vu le Saint-Esprit sous la forme d’une colombe, les Apôtres comme des langues de feu, et Paul, au moment de sa conversion, comme une grande flamme ; tout cela s’accorde en effet parfaitement avec les images vulgaires qu’on se forme de Dieu et des esprits. D’un autre côté, l’imagination étant volage et inconstante, le don de prophétie ne restait pas attaché constamment aux prophètes ; ce don n’était donc pas commun, mais très-rare, je veux dire accordé à très-peu d’hommes, et dans ceux-là même s’exerçant très rarement. Or, puisqu’il en est ainsi, nous devons rechercher maintenant d’où a pu venir aux prophètes la certitude qu’ils avaient touchant des choses qu’ils percevaient, non par des principes certains, mais par l’imagination. Et tout ce qui peut être dit à ce sujet, il ne faut le demander qu’à l’Écriture elle-même, puisque nous n’avons de ces objets, je le répète, aucune science