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TRAITÉ

veux dire que toutes les mesures du temple lui furent révélées suivant sa portée et ses opinions. Nous ne sommes nullement forcés de croire que Salomon fût mathématicien, et il nous est parfaitement permis de dire qu’il ignorait le rapport du diamètre à la circonférence du cercle, et qu’il croyait, avec le vulgaire des ouvriers, que ce rapport était de 3 à 1. Que s’il est permis de nous objecter ici que nous ne comprenons pas le texte des Rois (liv. I, chap. vii, vers. 23), je ne sais en vérité ce qu’il peut y avoir à comprendre dans l’Écriture, puisqu’en cet endroit la construction du temple est racontée le plus simplement du monde et d’une façon purement historique. Dira-t-on que l’Écriture a eu d’autres idées que celles qu’elle exprime, et qu’elle n’a pas voulu les manifester par des raisons qui nous sont inconnues ? Je déclare que c’est là le renversement complet de l’Écriture ; car chacun pourra en dire exactement autant de tous les passages de l’Écriture ; et tout ce que la perversité humaine peut imaginer d’absurde et de mauvais, il sera permis de le soutenir et de le mettre en pratique sur l’autorité de l’Écriture. Notre sentiment, au contraire, ne recèle aucune impiété ; car Salomon, Isaïe, Josué, etc., quoique prophètes, étaient hommes, et rien d’humain dès lors ne leur était étranger. La révélation qu’eut Noach de la destruction future du genre humain fut aussi proportionnée à son intelligence ; car il croyait que, hors de la Palestine, le reste du monde n’était pas habité. Et les prophètes ont pu ignorer tout cela, et même des choses de plus grande conséquence, sans dommage pour la piété ; et ils les ont effectivement ignorées, car jamais ils n’ont rien enseigné de particulier sur les attributs divins ; mais leurs opinions sur Dieu ont toujours été celles du vulgaire ; et ils ont toujours eu soin d’accommoder leurs révélations aux idées du peuple, comme je l’ai déjà démontré par un grand nombre de témoignages de l’Écriture. On voit donc que ce qui les a faits si célèbres et rendus si recommandables, ce n’est pas tant la subli-