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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

tion des Juifs ne concernait que les avantages temporels du corps et la liberté, c’est-à-dire leur empire, les moyens qu’ils employèrent pour l’établir et les lois qui étaient nécessaires à cet établissement, puis d’avoir expliqué comment ces lois leur furent révélées ; enfin d’avoir prouvé que sur tout le reste et en tout ce qui touche à la véritable félicité de l’homme, les Juifs n’ont eu aucun avantage sur les autres peuples. Lors donc qu’il est dit dans l’écriture (Deutéron., chap. iv, vers. 7) qu’aucune nation n’a ses dieux si près de soi que les Juifs, cela ne se doit entendre que de l’empire juif et des miracles si nombreux qui arrivèrent à cette époque, puisque, sous le rapport de l’entendement et de la vertu ou de la béatitude, nous venons de voir que Dieu est également propice à tous les hommes. Nous l’avons prouvé par la raison ; en voici la confirmation par l’Écriture (psaume cxlv, vers. 18) : « Dieu est près de tous ceux qui l’invoquent, de tous ceux qui l’invoquent en vérité. » Et dans un autre endroit du même psaume (vers. 9) : « Dieu est bon pour tous les hommes, et sa miséricorde éclate dans tous ses ouvrages. » Dans un autre psaume (xxxiii, vers. 1) il est dit clairement que Dieu a donné à tous les hommes le même entendement : « Dieu qui forme leur cœur d’une même manière. » Or le cœur était chez les Hébreux, comme tout le monde le sait, le siège de l’âme et de l’entendement. Il est évident, par Job (chap. xxviii, vers. 28), que Dieu a donné la même loi à tout le genre humain : savoir, la loi d’adorer Dieu et de s’abstenir des actions mauvaises, ou de faire le bien. C’est pourquoi Job, quoique gentil, fut particulièrement agréable à Dieu, parce qu’il surpassa les autres hommes en piété et en religion. L’histoire de Jonas (chap. iv, vers. 2) nous apprend encore fort clairement que ce n’est pas seulement aux Juifs, mais à tous les peuples, que Dieu est propice, et qu’il est miséricordieux, indulgent, plein de bonté pour tous les hommes, et se repent même du mal qu’il leur a fait. « J’avais résolu, dit Jonas, de m’enfuir à Tharse, parce que je savais