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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

On doit parfaitement comprendre maintenant quel était l’objet des cérémonies : c’était que les hommes suivissent la volonté d’autrui au lieu de la leur ; c’était que chacune de leurs pensées et de leurs actions fût un témoignage qu’ils ne dépendaient pas d’eux-mêmes, mais d’une autre puissance. Or, il résulte de là que les cérémonies n’ont aucun rapport à la béatitude, et que toutes celles de l’Ancien Testament, en un mot, toute la loi de Moïse ne regarde que l’empire des Hébreux, et conséquemment leurs seuls intérêts matériels.

Pour ce qui est des cérémonies du christianisme, comme le baptême, la cène, les fêtes, les prières publiques, et toutes les autres cérémonies communes de tout temps à tous les chrétiens, en supposant qu’elles aient été instituées par Jésus-Christ ou par les apôtres (ce qui n’est pas suffisamment démontré), elles ne sont autre chose que des signes extérieurs de l’Église universelle ; elles n’ont rien, dans l’objet de leur institution, qui intéresse la béatitude, et il ne faut leur attribuer aucune vertu sanctifiante. En effet, bien qu’elles n’aient pas été établies par raison politique, elles n’ont pourtant pas d’autre but que de maintenir l’intégrité de la société chrétienne. Aussi l’homme qui vit dans la solitude n’est nullement obligé de les mettre en pratique, et ceux qui vivent dans un État où la religion chrétienne est interdite sont bien obligés de s’abstenir de toutes cérémonies, ce qui ne les empêche pas de pouvoir jouir de la béatitude. Je citerai l’exemple du Japon, où l’on sait qu’il est défendu de pratiquer le christianisme ; et la compagnie des Indes orientales ordonne aux Hollandais qui séjournent dans ce pays de renoncer à la profession extérieure de leur religion. Il est inutile d’apporter ici d’autres exemples ; et bien qu’il me fût aisé de confirmer celui que j’ai donné par l’autorité du Nouveau Testament et par d’autres témoignages d’une clarté parfaite, je préfère passer outre, ayant un autre objet qu’il me tarde d’aborder. Je vais donc, sans insister plus longtemps,