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TRAITÉ

nulle part d’une manière expresse, mais on le peut inférer de plusieurs passages, notamment de celui où Moïse (Deutéron., chap. xiii) ordonne de punir de mort les faux prophètes, alors même qu’ils font des miracles. Voici ses paroles : « Et bien que vous voyiez apparaître le signe, le prodige qu’il vous a prédit, etc., gardez-vous de croire (pour cela) aux paroles de ce prophète, etc., parce que le Seigneur votre Dieu veut vous tenter, etc. ; condamnez (donc) ce prophète à mort, etc. » Il résulte clairement de ce passage que les faux prophètes font aussi des miracles, et que si les hommes n’étaient solidement prémunis par une connaissance véritable et un véritable amour de Dieu, les miracles pourraient leur faire adorer également les faux dieux et le vrai Dieu. Moïse ajoute en effet : « Car Jéhovah, votre Dieu, vous tente pour savoir si vous l’aimez de tout votre cœur et de toute votre âme. » Une autre preuve que tous ces miracles, en si grand nombre, ne pouvaient donner aux Israélites une idée saine de Dieu, c’est ce qui arriva quand ils crurent que Moïse les avait quittés : ils demandèrent à Aharon des divinités visibles, et, j’ai honte de le dire, ce fut un veau qui leur représenta le vrai Dieu, tant de miracles n’ayant abouti qu’à leur en donner pareille idée. On sait qu’Asaph, qui avait été témoin d’un si grand nombre de prodiges, douta de la providence de Dieu, et il se serait même écarté de la bonne voie s’il n’avait enfin compris la béatitude véritable (voyez psaume xxxvii). Salomon lui-même, et de son temps la prospérité des Hébreux était à son comble, Salomon a laissé échapper ce soupçon, que toutes choses sont livrées au hasard (voyez Ecclés., chap. iii, vers. 19, 20, 21 ; chap. ix, vers. 2, 3, etc.). Enfin, ç’a été pour presque tous les prophètes un mystère plein d’obscurité que l’accord qui existe entre la providence de Dieu, telle qu’ils la concevaient, et l’ordre de la nature et les événements de la vie humaine. Or, cet accord a toujours été parfaitement visible pour les philosophes qui s’efforcent de comprendre les choses par