Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/266

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Je ne pousserai pas plus loin l’examen des livres de la Bible ; outre que je craindrais de fatiguer le lecteur, cette critique a déjà été faite. Ainsi, R. Selomo, frappé des contradictions manifestes qu’on rencontre dans les généalogies dont nous venons de parler, n’a pu se contenir (voyez ses commentaires sur le chapitre VIII du livre I des Paralipomènes). Il avoue qu’Hezras donne les noms des enfants de Benjamin, et expose leur généalogie tout autrement que la Genèse, et qu’il indique aussi tout autrement que Josué la plupart des villes des Lévites, ce qui vient sans doute de ce qu’il a eu sous les yeux des originaux différents. Selomo remarque un peu plus bas que la généalogie de Gibéon et de plusieurs autres est donnée de deux manières différentes, parce qu’Hezras, ayant eu sous les yeux plusieurs épîtres différentes pour chaque généalogie, s’est réglé dans ses choix sur le nombre des exemplaires ; et quand ce nombre était le même pour deux généalogies opposées, il les a données toutes deux. Selomo avoue donc ici sans restriction que les livres dont il parle ont été écrits d’après des originaux d’une correction et d’une authenticité insuffisantes. Il est digne de remarque que la plupart du temps les commentateurs eux-mêmes, en s’efforçant de concilier des passages contradictoires, nous montrent la cause de l’erreur qu’ils ne veulent pas reconnaître. Du reste, je ne crois pas qu’aucun homme d’un jugement sain se puisse persuader que les écrivains sacrés ont écrit de propos délibéré dans un style obscur et inintelligible, tout exprès pour paraître en contradiction avec eux-mêmes en divers endroits.

On dira peut-être que ma méthode conduit au renversement complet de l’Écriture, parce qu’elle donne à chacun le droit de considérer comme suspect tel passage qu’il lui plaira. Mais j’ai prouvé, au contraire, que cette méthode préserve l’Écriture de toute atteinte, en empêchant qu’on n’en accommode les passages clairs à ceux qui sont obscurs, et qu’on n’en corrompe les parties saines au moyen des parties altérées. D’ailleurs, je le