Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/279

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doute pas qu’ils ne cessent leurs clameurs, pour peu qu’ils veuillent examiner la chose avec soin. La raison elle-même, en effet, aussi bien que les enseignements des prophètes et des apôtres, nous révèle la parole éternelle de Dieu et son alliance, et nous crie que la vraie religion est gravée de la main de Dieu dans le cœur des hommes, c’est-à-dire dans l’esprit humain, et que c’est là le véritable original de la loi de Dieu, loi qu’il a pour ainsi dire scellée de son propre sceau, quand il a mis en nous l’idée de lui-même et comme une image de sa divinité. Les premiers Juifs reçurent la religion par écrit en forme de loi, parce que sans doute à cette époque on les traitait comme des enfants. Mais plus tard Moïse (Deutéronome, chap. XXX, vers. 6) et Jérémie (chap. XXX, vers. 33) leur prédisent un temps à venir où Dieu gravera sa loi dans leurs cœurs. Il appartenait donc autrefois aux Juifs, et surtout aux saducéens, de combattre pour la loi écrite sur des tables ; mais cela n’est pas du tout une obligation pour ceux qui la portent écrite dans leurs cœurs. Aussi, quiconque voudra bien y réfléchir, loin de trouver dans ce que j’ai dit plus haut rien de contraire à la parole de Dieu, à la vraie religion et à la foi, ou qui puisse l’infirmer, verra au contraire que je ne fais que la raffermir, comme je l’ai prouvé à la fin du chapitre X ; s’il n’en était pas ainsi, j’aurais fermement résolu de garder le silence sur ces questions, et, pour échapper à toutes les difficultés, je me serais empressé de reconnaître que l’Écriture recèle les plus profonds mystères. Mais comme c’est de là que sont sortis avec une déplorable superstition bien d’autres inconvénients pernicieux dont j’ai déjà parlé au chapitre VII, je n’ai pas jugé convenable de garder le silence, et cela surtout parce que la religion n’a nul besoin des vaines parures de la superstition. C’est au contraire lui ravir son pur éclat que de lui donner ces faux ornements. Mais, dira-t-on, quoique la loi divine soit gravée dans les cœurs, l’Écriture n’en est pas moins la parole de Dieu, et il