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XXVII
la vie de spinoza.

infinies. C’est cette dernière proposition que Spinoza soutient. On peut consulter l’Anti-Spinoza de L. Vittichius, page 18 et suiv. Ainsi, il avoue bien que Dieu est la cause généralement de toutes choses ; mais il prétend que Dieu les a produites nécessairement, sans liberté, sans choix et sans consulter son bon plaisir. Pareillement, tout ce qui arrive au monde, bien ou mal, vertu ou crime, péché ou bonnes œuvres, part de lui nécessairement ; et par conséquent il ne doit y avoir ni jugement, ni punition, ni résurrection, ni salut, ni damnation ; car autrement ce Dieu imaginaire punirait et récompenserait son propre ouvrage, comme un enfant fait sa poupée. N’est-ce pas là le plus pernicieux athéisme qui ait jamais paru au monde ? C’est aussi ce qui donne occasion à M. Burmannus, ministre des réformés à Enkhuise, de nommer à juste titre Spinoza le plus impie athée qui ait jamais vu le jour.

Ce n’a pas été mon dessein d’examiner ici toutes les impiétés et les absurdités de Spinoza ; j’en ai rapporté quelques-unes, et me suis attaché à ce qu’il y a de plus capital, seulement dans la vue d’inspirer au lecteur chrétien l’aversion et l’horreur qu’il doit avoir d’une doctrine si pernicieuse. Je ne dois cependant pas oublier de dire qu’il est visible que dans la seconde partie de son traité de morale il ne fait qu’un seul et même être de l’âme et du corps, dont les propriétés sont, comme il les exprime, celle de penser et celle d’être étendue, car c’est ainsi qu’il s’explique à la page 40 : « Quand je parle de corps, je n’entends autre chose qu’une modalité qui exprime l’essence de Dieu d’une manière certaine et précise, en tant qu’il est considéré comme une chose étendue (Per corpus intelligo modum qui Dei essentiam, quatenus ut res extensa consideratur, certo et determinato modo exprimit). » Mais, à l’égard de l’âme qui est et agit dans le corps, ce n’est qu’un autre mode ou manière d’être que la nature produit ou qui se manifeste soi-même par la pensée ; ce n’est point un esprit ou une substance particulière, non plus que le corps, mais une modalité qui exprime l’essence de Dieu, en tant qu’il se manifeste, agit et opère par la pensée. A-t-on jamais ouï de pareilles abominations parmi des chrétiens ? De cette manière, Dieu ne saurait punir ni l’âme ni le corps, à moins que de vouloir se punir et se détruire lui-même. Sur la fin de sa vingt et unième lettre, il renverse le grand mystère de piété, comme il est marqué dans la 1re Épître à Timothée, ch. 3 v. 16 en soutenant que l’incarnation