Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/308

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également dans l’erreur. Le premier qui, chez les pharisiens, déclara ouvertement que l’Écriture devait être pliée aux exigences de la raison fut Maimonide (nous avons au chapitre VII rapporté son opinion, et nous l’avons réfutée par plusieurs arguments) ; et, bien que cet auteur ait été chez eux en grand crédit, la plupart néanmoins l’abandonnent sur ce point pour se ranger à l’avis d’un certain R. Judas Alpakhar, qui, voulant éviter l’erreur de Maimonide, s’est jeté dans une erreur opposée. Il soutient que la raison doit relever de l’Écriture, et lui être entièrement soumise ; il pense que, s’il faut en quelques endroits expliquer métaphoriquement l’Écriture, ce n’est pas parce que le sens littéral répugne à la raison, mais parce qu’il répugne à l’Écriture, c’est-à-dire à ses principes bien connus ; et de là il tire cette règle universelle, savoir que tout ce que l’Écriture enseigne dogmatiquement et affirme d’une manière expresse doit, sur sa seule autorité, être admis comme absolument vrai ; que l’on ne trouve dans la Bible aucun principe qui répugne directement à la doctrine générale qu’elle enseigne, mais seulement d’une façon indirecte, parce que les locutions de l’Écriture semblent souvent supposer quelque chose de contraire à ce qu’elle a enseigné expressément ; et que c’est la seule raison pour laquelle il faille user, en ces rencontres, de l’interprétation métaphorique[1]. Par exemple, l’Écriture enseigne clairement qu’il n’y a qu’un Dieu (voyez Deutéron., chap. VI, vers. 4), et l’on n’y trouve aucun passage où il soit affirmé directement qu’il y ait plusieurs dieux ; quoiqu’en beaucoup d’endroits Dieu en parlant de lui-même, et les prophètes en parlant de Dieu, se servent du nombre pluriel ; ici cette façon de parler, faisant supposer qu’il existe plusieurs dieux, est loin d’indiquer le vrai sens du discours ; et c’est pour cela qu’il faut

  1. Je me souviens d’avoir lu autrefois cette opinion dans une lettre contre Maimonide qui se trouve avec les autres lettres attribuées à cet auteur. (Note de Spinoza.)