Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/313

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Je n’ai pas besoin de récapituler ici tous ces exemples ; ce que j’ai dit suffit pour montrer les absurdités qui résultent de cette règle et de cette opinion, pour en établir la fausseté et convaincre cet auteur de précipitation. Ainsi donc, nous rejetons son sentiment tout aussi bien que celui de Maimonide, et nous tenons pour une vérité inébranlable que la théologie ne doit pas relever de la raison, ni la raison de la théologie, mais que chacune est souveraine dans son domaine. Car, ainsi que nous l’avons dit, la raison a en partage le domaine de la vérité et de la sagesse, comme la théologie celui de la piété et de l’obéissance : aussi bien la puissance de la raison, nous l’avons déjà démontré, ne s’étend pas jusqu’à pouvoir déterminer si, en vertu de la seule obéissance et sans l’intelligence des choses, les hommes peuvent être heureux. Mais la théologie ne nous donne pas d’autre enseignement ; elle ne prescrit que l’obéissance ; elle ne veut rien, elle ne peut rien contre la raison. Pour les dogmes de la foi, comme nous l’avons prouvé dans le précédent chapitre, elle ne les détermine qu’autant qu’il est nécessaire pour inspirer l’obéissance ; quant à préciser le sens et la vérité qu’ils renferment, elle laisse ce soin à la raison, qui est réellement la lumière de l’esprit et hors de laquelle il n’y a que songes et que chimères. Or ici, par théologie j’entends précisément la révélation, en tant qu’elle indique l’objet que nous avons reconnu à l’Écriture (savoir d’enseigner l’obéissance ou les dogmes de la vraie piété et de la foi) ; or c’est là ce qu’on appelle, à proprement parler, la parole de Dieu, laquelle ne consiste pas en un certain nombre de livres (voyez sur ce point notre chapitre XII). La théologie étant ainsi considérée, si vous avez égard à ses préceptes ou à ses leçons pour la vie, vous trouverez qu’elle est d’accord avec la raison ; et si vous avez égard à son but et à sa fin, vous estimerez qu’elle ne lui répugne aucunement : et de là lui vient son caractère d’universalité. Pour ce qui regarde toute l’Écriture en général, nous avons déjà montré au cha-