Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/347

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Dieu, non comme Moïse, chaque fois qu’il le voulait, mais seulement sur la demande du général, ou de l’assemblée suprême, ou de quelque autre corps constitué. De leur côté, le général en chef de l’armée et les assemblées pouvaient consulter Dieu quand ils le voulaient, mais ils ne pouvaient recevoir les réponses de Dieu que par l’intermédiaire du souverain pontife. De sorte que la parole de Dieu, dans la bouche du souverain pontife, n’était pas un décret comme dans la bouche de Moïse, mais une simple réponse. Transmise à Josué et aux assemblées, elle prenait force de loi ; c’était un ordre, un décret. D’après ces dispositions, le souverain pontife, qui recevait directement les réponses de Dieu, n’avait pas d’armée sous ses ordres et n’exerçait aucun pouvoir légitime dans le gouvernement de l’État ; et réciproquement ceux qui possédaient des terres n’avaient pas le droit d’établir des lois. Les souverains pontifes Aharon et son fils Éléazar furent l’un et l’autre élus par Moïse ; mais après la mort de Moïse, personne n’hérita du droit d’élire le souverain pontife, et le fils succéda légitimement à son père. De même le général de l’armée fut élu par Moïse et non par l’autorité du souverain pontife ; c’est en recevant ses droits de Moïse qu’il prit la fonction de général. Voilà pourquoi, après la mort de Josué, le pontife n’élut personne à sa place ; voilà pourquoi les chefs des tribus ne consultèrent pas Dieu sur le choix d’un nouveau général ; mais chacun exerça sur les soldats de sa tribu et tous ensemble exercèrent sur toute l’armée les droits qui avaient appartenu à Josué. Et il ne me semble pas qu’ils aient eu besoin d’un chef suprême, si ce n’est dans les circonstances où l’armée entière réunie marchait contre un ennemi commun. C’est ce qui arriva, surtout du temps de Josué, lorsque les Hébreux n’avaient pas encore de résidence bien fixe, et que toutes choses appartenaient à tous. Mais après que les terres prises par le droit de la guerre eurent été partagées entre les tribus, et que toutes choses n’appartinrent plus à tous, par cela