Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/438

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qu’est-ce autre chose qu’un délire ? Et je parle ici expressément de ces actes qui ne peuvent tomber sous le droit de l’État et auxquels la nature humaine répugne généralement. Car qu’un sot ou un fou ne puisse être amené par aucune promesse, ni par aucune menace, à exécuter les ordres de l’État, que tel ou tel individu, par cela seul qu’il est attaché à telle ou telle religion, se persuade que les droits de l’État sont les plus grands des maux, les droits de l’État ne sont pas pour cela frappés de nullité, puisque le plus grand nombre des citoyens continue à en reconnaître l’empire ; et par conséquent, comme ceux qui ne craignent ni n’espèrent rien à ce titre ne relèvent plus que d’eux-mêmes (par l’article 10 du précédent chapitre), il s’ensuit que ce sont des ennemis de l’État (par l’article 14 du même chapitre) et qu’on a le droit de les contraindre.

9. On doit remarquer en troisième lieu que des décrets capables de jeter l’indignation dans le cœur du plus grand nombre des citoyens ne sont plus dès lors dans le droit de l’État. Car il est certain que les hommes tendent naturellement à s’associer, dès qu’ils ont une crainte commune ou le désir de venger un dommage commun ; or le droit de l’État ayant pour définition et pour mesure la puissance commune de la multitude, il s’ensuit que la puissance et le droit de l’État diminuent d’autant plus que l’État lui-même fournit à un plus grand nombre de citoyens des raisons de s’associer dans un grief commun. Aussi bien il en est de l’État comme des individus : il a, lui aussi, ses sujets de crainte, et plus ses craintes augmentent, moins il est son maître. Voilà ce que j’avais à dire du droit des pouvoirs souverains sur les sujets ; maintenant, avant de traiter de leur droit sur les étrangers, il y a une question qu’il me semble à propos de résoudre, celle qu’on a coutume de soulever touchant la religion.

10. On peut en effet nous dire : est-ce que l’état social et l’obéissance qu’il requiert de la part des sujets ne