Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/441

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prendre à bon droit, puisque pour faire la guerre il n’a besoin que de le vouloir. Il n’en est pas de même pour la paix ; car un État ne peut la conclure qu’avec le consentement d’un autre État. D’où il suit que le droit de la guerre appartient à tout État, et que le droit de la paix n’appartient pas à un seul État, mais à deux pour le moins, lesquels reçoivent en pareil cas le nom d’États confédérés.

14. Ce pacte d’alliance dure aussi longtemps que la cause qui l’a produit, je veux dire la crainte d’un dommage ou l’espoir d’un accroissement. Cette crainte ou cet espoir venant à cesser pour l’un quelconque des deux États, il reste maître de sa conduite (par l’article 10 du chapitre précédent) et le lien qui unissait les États confédérés est immédiatement dissous. Par conséquent, chaque État a Ie plein droit de rompre l’alliance chaque fois qu’il le veut. Et on ne peut pas l’accuser de ruse ou de perfidie, pour s’être dégagé de sa parole aussitôt qu’il a cessé de craindre ou d’espérer ; car il y avait pour chacune des parties contractantes la même condition, savoir, que la première qui pourrait se mettre hors de crainte redeviendrait sa maîtresse et libre d’agir à son gré ; et de plus personne ne contracte pour l’avenir qu’eu égard aux circonstances extérieures. Or, ces circonstances venant à changer, la situation tout entière change également, et en conséquence un État retient toujours le droit de veiller à ses intérêts, et par suite il fait effort autant qu’il est en lui pour se mettre hors de crainte, c’est-à-dire pour ne dépendre que de lui-même, et pour empêcher qu’un autre État ne devienne plus fort que lui. Si donc un État se plaint d’avoir été trompé, ce n’est pas la bonne foi de l’État allié qu’il peut accuser, mais sa propre sottise d’avoir confié son salut à un État étranger, lequel ne relève que de lui-même et regarde son propre salut comme la suprême loi.

15. C’est aux États qui ont fait ensemble un traité de paix qu’appartient le droit de résoudre les questions qui