Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/444

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des lois, puis d’employer et de disposer toutes les choses nécessaires à la guerre et à la paix, comme de fonder et de fortifier des villes, d’engager des soldats, de distribuer des emplois militaires, de donner des ordres pour tout ce qui doit être fait, d’envoyer et de recevoir des ambassadeurs en vue de la paix, d’exiger enfin des contributions d’argent pour ces différents objets.

3. Ainsi donc puisqu’il n’appartient qu’au seul souverain de traiter les affaires publiques, ou de choisir pour cela des agents appropriés, il s’ensuit que c’est aspirer à être le maître de l’État que d’entreprendre quelque affaire publique à l’insu de l’assemblée suprême, alors même qu’on croirait agir pour le bien de l’État.

4. Mais il y a ici une question qu’on a coutume de poser : le souverain est-il soumis aux lois ? peut-il pécher ? Je réponds que les mots de loi et de péché n’ayant point seulement rapport à la condition sociale, mais aussi aux règles communes qui gouvernent toutes les choses naturelles et particulièrement aux règles de la raison, on ne peut pas dire d’une manière absolue que l’État ne soit astreint à aucune loi et qu’il ne puisse pas pécher. Si, en effet, l’État n’était astreint à aucune loi, à aucune règle, pas même à celles sans lesquelles l’État cesserait d’être l’État, alors l’État dont nous parlons ne serait plus une réalité, mais une chimère. L’État pèche donc quand il fait ou quand il souffre des actes qui peuvent être cause de sa ruine, et, dans ce cas, en disant qu’il pèche, nous parlons dans le même sens où les philosophes et les médecins disent que la nature pèche ; d’où il suit qu’on peut dire à ce point de vue que l’État pèche quand il agit contre les règles de la raison. Nous savons, en effet (par l’article 7 du chapitre précédent), que l’État est d’autant plus son maître qu’il agit davantage selon la raison ; lors donc qu’il agit contre la raison, il se manque à lui-même, il pèche. Et tout cela pourra être mieux compris, si nous considérons que lorsqu’il est dit que chacun peut faire d’une chose qui lui appartient tout