Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/471

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centrer les forces de tous dans les mains d’un seul. Ainsi donc le Roi s’appartiendra d’autant plus à lui-même et sera d’autant plus roi qu’il veillera mieux au salut commun.

12. Le Roi ne peut, en effet, à lui seul, contenir tous les citoyens par la crainte ; sa puissance, comme nous l’avons dit, s’appuie sur le nombre des soldats, et plus encore sur leur courage et leur fidélité, vertus qui ne se démentent jamais chez les hommes, tant que le besoin, honnête ou honteux, les tient réunis. D’où il arrive que les rois ont coutume d’exciter plus souvent les soldats que de les contenir, et de dissimuler plutôt leurs vices que leurs vertus ; et on les voit la plupart du temps, pour opprimer les grands, rechercher les gens oisifs et perdus de débauche, les distinguer, les combler d’argent et de faveurs, leur prendre les mains, leur jeter des baisers, en un mot, faire les dernières bassesses en vue de la domination. Afin donc que les citoyens soient les premiers objets de l’attention du Roi et qu’ils s’appartiennent à eux-mêmes autant que l’exige la condition sociale et l’équité, il est nécessaire que l’armée soit composée des seuls citoyens et que ceux-ci fassent partie des Conseils. C’est se mettre sous le joug, c’est semer les germes d’une guerre éternelle que de souffrir que l’on engage des soldats étrangers pour qui la guerre est une affaire de commerce et qui tirent leur plus grande importance de la discorde et des séditions.

13. Que les conseillers du Roi ne doivent pas être élus à vie, mais pour trois, quatre ou cinq ans au plus, c’est ce qui est évident, tant par l’article 10 que par l’article 9 du présent chapitre. Si, en effet, ils étaient élus à vie, outre que la plus grande partie des citoyens pourrait à peine espérer cet honneur, d’où résulterait une grande inégalité, et par suite l’envie, les rumeurs continuelles et finalement des séditions dont les rois ne manqueraient pas de profiter, dans l’intérêt de leur domination, il arriverait en outre que les conseillers, ne craignant plus