Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/474

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sous le droit d"autrui ; car le droit se mesure par la puissance, comme il a été expliqué au chapitre II.

17. C’est aussi pour cette raison, je veux dire afin que les citoyens restent leurs maîtres et protègent leur liberté, qu’il faut exclure de l’armée tout soldat étranger. Et, en effet, un homme armé est plus son maître qu’un homme sans armes (voyez l’article 12 du présent chapitre) ; et c’est transférer absolument son droit à un homme et s’abandonner tout entier à sa bonne foi que de lui donner des armes et de lui confier les fortifications des villes. Ajoutez à cela la puissance de l’avarice, principal mobile de la plupart des hommes. Il est impossible, en effet, d’engager des troupes étrangères sans de grandes dépenses, et les citoyens supportent impatiemment les impôts exigés pour entretenir une milice oisive. Est-il besoin maintenant de démontrer que tout citoyen qui commande l’armée entière ou une grande partie de l’armée ne doit être élu que pour un an, sauf le cas de nécessité ? C’est là un principe certain pour quiconque a lu l’histoire, tant profane que sacrée. Rien aussi de plus clair en soi. Car évidemment la force de l’empire est confiée sans réserve à celui à qui on donne assez de temps pour conquérir la gloire militaire et élever son nom au-dessus du nom du Roi, pour attacher l’armée à sa personne par des complaisances, des libéralités et autres artifices dont on a coutume de se servir pour l’asservissement des autres et sa propre domination. Enfin pour compléter la sécurité de tout l’empire, j’ai ajouté cette condition, que les chefs de l’armée doivent être choisis parmi les conseillers du Roi, ou parmi ceux qui ont rempli antérieurement cette fonction, c’est-à-dire parmi des citoyens parvenus à un âge où les hommes aiment généralement mieux les choses anciennes et sûres que les nouvelles et les périlleuses.

18. J’ai dit que les citoyens doivent être distingués entre eux par familles et qu’il faut élire dans chacune un nombre égal de conseillers, de sorte que les plus