Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/476

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que j’ai dit dans le précédent chapitre depuis l’article 15 jusqu’à l’article 27 ; car les points principaux traités dans ces articles sont démontrés, et le reste est évident de soi.

21. Que les juges doivent être assez nombreux pour que la plus grande partie d’entre eux ne puisse être corrompue par les présents d’un particulier, que leur vote se fasse, non pas d’une manière ostensible, mais secrètement, enfin qu’ils aient un droit de vacation, voilà encore des principes suffisamment connus. L’usage universel est que les juges reçoivent des émoluments annuels ; d’où il arrive qu’ils ne se hâtent pas de terminer les procès, de sorte que les différends n’ont pas de fin. Dans les pays où la confiscation des biens se fait au profit du Roi, il arrive souvent que dans l’instruction des affaires, ce n’est pas le droit et la vérité que l’on considère, mais la grandeur des richesses ; de toutes parts des délations et les citoyens les plus riches saisis comme une proie ; abus pesants et intolérables, excusés par la nécessité de la guerre, mais qui sont maintenus pendant la paix. Du moins, quand les juges sont institués pour deux ou trois ans au plus, leur avarice est modérée par la crainte de leurs successeurs. Et je n’insiste pas sur cette autre condition que les juges ne peuvent avoir aucuns biens fixes, mais qu’ils doivent prêter leurs fonds à leurs concitoyens, pour en tirer un bénéfice, d’où résulte pour eux la nécessité de veiller aux intérêts de leurs justiciables et de ne leur faire aucun tort, ce qui arrivera plus sûrement quand le nombre des juges sera très-grand.

22. Nous avons dit que l’armée ne doit avoir aucune solde. En effet, la première récompense de l’armée, c’est la liberté. Dans l’état de nature, c’est uniquement en vue de la liberté que chacun s’efforce autant qu’il le peut de se défendre soi-même, et il n’attend pas d’autre récompense de sa vertu guerrière que l’avantage d’être son maître. Or tous les citoyens ensemble dans l’état de société sont comme l’homme dans l’état de nature, de