Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/489

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volonté et le jugement de l’Assemblée des patriciens, et non pas sur la vigilance de la multitude, puisque celle-ci n’a ni voix consultative, ni droit de suffrage. Ce qui fait que dans la pratique ce gouvernement n’est pas absolu, c’est que la multitude est un objet de crainte pour les gouvernants et qu’à cause de cela même elle obtient quelque liberté, non par une loi expresse, mais par une secrète et effective revendication.

5. Il devient donc évident que la meilleure condition possible du gouvernement aristocratique, c’est d’être le plus possible un gouvernement absolu, c’est d’avoir à craindre le moins possible la multitude, et de ne lui donner aucune autre liberté que celle qui dérive nécessairement de la constitution de l’État, liberté qui dès lors est moins le droit de la multitude que le droit de l’État tout entier revendiqué et conservé par les seuls patriciens. A cette condition, en effet, la pratique sera d’accord avec la théorie (comme cela résulte de l’article précédent, et d’ailleurs la chose est de soi manifeste). Car il est clair que le gouvernement sera d’autant moins entre les mains des patriciens que la plèbe revendiquera plus de droits, comme il arrive en basse Allemagne dans ces collèges d’artisans qu’on appelle gilden.

6. Et il ne faut pas craindre, parce que le pouvoir appartiendra absolument à l’Assemblée des patriciens, qu’il y ait danger pour la plèbe de tomber dans un funeste esclavage. En effet, ce qui détermine la volonté d’une assemblée suffisamment nombreuse, ce n’est pas tant la passion que la raison. Car la passion pousse toujours les hommes en des sens contraires, et il n’y a que le désir des choses honnêtes ou du moins des choses qui ont une apparence d’honnêteté qui les unisse dans une seule pensée.

7. Ainsi donc le point capital dans l’établissement des bases du gouvernement aristocratique, c’est qu’il faut l’appuyer sur la seule volonté et la seule puissance de l’Assemblée suprême, de telle sorte que cette Assemblée