Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/491

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s’ensuit qu’une armée uniquement formée de citoyens, à l’exclusion des étrangers n’est pas une institution qui dérive des lois nécessaires de ce gouvernement. Ce qui est indispensable, c’est que nul ne soit reçu au nombre des patriciens, s’il ne connaît parfaitement l’art militaire. Quelques-uns vont jusqu’à soutenir que les citoyens ne doivent pas faire partie de l’armée ; c’est une exagération absurde. Car, outre que la solde payée aux citoyens reste dans l’empire, au lieu qu’elle est perdue si on la paye à des étrangers, ajoutez qu’exclure les citoyens de l’armée, c’est altérer la plus grande force de l’État. N’est-il pas certain, en effet, que ceux-là combattent avec une vertu singulière qui combattent pour leurs autels et pour leurs foyers ? Je conclus de là que c’est encore une erreur que de vouloir choisir les généraux d’armée, les tribuns, les centurions, etc. parmi les seuls patriciens. Comment trouverez-vous de la vertu militaire là où vous ôtez toute espérance de gloire et d’honneurs ? D’un autre côté, défendre aux patriciens d’engager une troupe étrangère, quand les circonstances le demandent, soit pour leur propre défense et pour réprimer les séditions, soit pour d’autres motifs quelconques, ce serait une mesure inconsidérée et contraire au droit souverain des patriciens (voyez les articles 3, 4 et 5 du présent chapitre). Du reste, le général d’un corps de troupes ou de l’armée tout entière doit être élu pour le temps de la guerre seulement et parmi les seuls patriciens ; il ne doit avoir le commandement que pour une année au plus et ne peut être ni continué, ni plus tard réélu. Cette loi, nécessaire dans la monarchie, est plus nécessaire encore dans le gouvernement aristocratique. En effet, comme nous l’avons dit plus haut, bien qu’il soit plus facile de transférer l’empire d’un seul individu à un autre que d’une assemblée libre à un seul individu, cependant il arrive souvent que les patriciens sont opprimés par leurs généraux, et cela avec un bien plus grand dommage pour la république. En effet, quand