Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/494

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tingue plus que par cette différence qu’ils n’ont pas droit aux fonctions publiques. Or, tandis que le nombre des étrangers s’accroît tous les jours, celui des citoyens au contraire diminue par beaucoup de causes. Souvent des familles viennent â s’éteindre ; d’autres sont exclues de l’État pour cause de crimes ; la plupart, à cause du mauvais état de leurs affaires privées, négligent la chose publique, et pendant ce temps-là un petit nombre de citoyens puissants ne poursuit qu’un but, savoir de régner seuls. Et c’est ainsi que par degrés le gouvernement tombe entre les mains de quelques-uns, et puis d’un seul. Voilà quelques-unes des causes qui détruisent les gouvernements, et il y en a plusieurs autres que je pourrais indiquer ; mais comme elles sont assez connues, je les passe sous silence pour exposer avec ordre les lois qui doivent être pour le gouvernement aristocratique un principe de stabilité.

13. La première de ces lois, c’est celle qui déterminera le rapport du nombre des patriciens à la population générale de l’État. Ce rapport, en effet (d’après l’article 1 du présent chapitre), doit être tel que le nombre des patriciens s’accroisse en raison de l’accroissement de la population. Or, nous avons vu (article 2 du présent chapitre) qu’il convient d’avoir un patricien sur cinquante individus pour le moins ; car le nombre des patriciens (d’après l’article 1 du présent chapitre) pourrait être plus grand, sans que la forme de l’État fût changée, le danger ne commençant qu’avec leur petit nombre. Maintenant, par quel moyen doit-on veiller à ce que cette loi ne souffre aucune atteinte ? c’est ce que je montrerai bientôt, quand le moment en sera venu.

14. Les patriciens sont choisis parmi certaines familles seulement et dans certains lieux. Mais établir qu’il en sera ainsi par une loi expresse, ce serait dangereux ; car outre que souvent les familles viennent à s’éteindre et qu’il y a une sorte d’ignominie pour les familles exclues, ajoutez qu’il répugne à la forme du gouvernement dont