Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/508

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

posé demeure ratifié ; il est nul, au contraire, si le nombre des opposants est plus grand que celui des incertains et des approbateurs.

Admettez maintenant que pour tous les avis il y ait plus d’incertains que d’opposants et d’approuvants, dans ce cas le conseil des syndics devra se réunir au Sénat et voter avec lui, avec cette précaution de n’employer que des boules approbatives ou opposantes et de laisser de côté les votes incertains. On procédera de la même manière à l’égard des affaires soumises par le Sénat à l’Assemblée suprême. Voilà ce que j’avais à dire du Sénat.

37. Quant à ce qui regarde l’organisation judiciaire, les bases n’en peuvent pas être les mêmes que celles que nous avons exposées dans le chapitre VI, article 27 et suivants, comme convenables à la monarchie. En effet, il n’est pas dans l’esprit du gouvernement aristocratique (voyez l’art. 14 du présent chapitre) de ne tenir aucun compte des races et des familles. De plus, les juges étant exclusivement choisis parmi les patriciens, seront contenus par la crainte de leurs successeurs et auront soin de ne prononcer contre aucun patricien une sentence injuste ; peut-être même n’auront-ils pas la force de les punir autant qu’il serait juste ; au contraire, ils oseront tout contre le peuple et feront des riches leur proie. C’est pour ce motif, je le sais, que plusieurs politiques approuvent la coutume qu’ont les Génois de choisir leurs juges, non parmi les patriciens, mais parmi les étrangers. Pour moi qui raisonne ici d’une manière abstraite et générale, il me parait absurde que ce soient des étrangers, et non pas des patriciens, qui soient chargés d’interpréter les lois. Car que sont les juges, sinon les interprètes des lois ? C’est pourquoi je me persuade que les Génois dans cette affaire ont eu égard au génie de leur nation plus qu’à la nature de leur gouvernement. Il s’agit donc pour nous, qui envisageons la question en général, de trouver les conditions d’organisation judiciaire les plus convenables à la forme aristocratique.