Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/523

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pour pénétrer au fond des choses du premier coup, mais ils s’aiguisent en délibérant, en écoutant et en disputant ; et pendant qu’ils cherchent tous les moyens d’agir à leur gré, ils trouvent un parti qui a pour lui l’approbation générale et auquel personne n’aurait songé auparavant. Si l’on m’objecte que le gouvernement des Hollandais ne s’est pas longtemps soutenu sans comte ou sans vicaire qui remplaçât le comte, je répondrai que les Hollandais crurent qu’il leur suffisait, pour obtenir la liberté, d’abandonner leur comte et de retrancher la tête au corps de l’empire, sans songer à le réformer lui-même. Ils laissaient les membres de l’empire tels qu’ils avaient été auparavant organisés, de sorte que le comté de Hollande, comme un corps sans tête, subsista sans comte, et l’empire lui-même sans nom. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que la plupart des sujets aient ignoré entre quelles mains était la souveraine autorité de l’empire. Et quand même il n’en eût pas été ainsi, ceux qui de fait gouvernaient l’empire étaient trop peu nombreux pour être les maîtres de la multitude, et pour écraser leurs puissants adversaires. Aussi arriva-t-il que ceux-ci purent souvent leur tendre des embûches, et à la fin les renverser. Donc le renversement soudain de la république de Hollande ne vient pas de ce qu’elle passait inutilement le temps à délibérer, mais de la mauvaise organisation de son gouvernement et du trop petit nombre des gouvernants.

15. Cette aristocratie partagée entre plusieurs villes est encore préférable à la première, parce qu’on n’a pas à s’y garder, comme dans la première, d’une agression soudaine contre le conseil suprême, puisque ni l’époque ni le lieu de ses réunions n’y sont désignés. En outre, les citoyens puissants sont moins à craindre dans ce gouvernement, puisque là où plusieurs villes jouissent de la liberté, il ne suffit pas à celui qui veut s’ouvrir une voie à l’empire de s’emparer d’une seule ville pour être le maître des autres. Enfin la liberté, dans ce gouvernement,