Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/526

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s’il n’y a point un jour précis fixé pour l’élection du dictateur, on ne tiendra aucun compte de l’intervalle de temps qui se sera écoulé de l’un à l’autre, bien que cette condition, comme nous l’avons dit, soit fondamentale, et une prescription si vague finira par être négligée facilement. A moins donc que cette puissance dictatoriale ne soit perpétuelle et stable, et il est clair qu’une telle puissance attribuée à un seul est incompatible avec la nature du gouvernement aristocratique, elle sera livrée à mille incertitudes aussi bien que la conservation et la sûreté de l’État,

2. Il n’est pas douteux au contraire (par l’article 3 du chapitre Vl) que si le glaive dictatorial pouvait, sans que la forme du gouvernement en fût altérée, avoir un caractère de permanence et se rendre redoutable aux seuls méchants, jamais les vices de l’État ne grandiraient au point de ne pouvoir être extirpés ou du moins atténués. C’est pour réunir toutes ces conditions que nous avons voulu subordonner le conseil des syndics au conseil suprême, de façon que le glaive dictatorial soit perpétuellement entre les mains non pas d’une personne naturelle, mais bien d’une personne civile, dont les membres soient trop nombreux pour se partager l’empire (par les articles 1 et 2 du chapitre précédent), ou pour comploter quelque attentat d’un commun accord. C’est en vue du même but que les syndics sont écartés des autres charges de l’État, qu’ils n’ont point de solde à payer aux troupes, et qu’ils sont enfin d’un âge à préférer la sécurité du présent aux hasards d’un ordre de choses nouveau. De cette façon ils ne sont pas dangereux à l’État, ni par suite aux bons citoyens, tandis qu’ils peuvent être et sont en effet la terreur des méchants. Moins ils ont de force pour commettre des crimes, et plus ils en ont pour les réprimer. Car, outre qu’ils peuvent y mettre obstacle dès l’origine (puisque le conseil des syndics est perpétuel), ils sont assez nombreux pour avoir le courage d’accuser et de condamner tel ou tel citoyen puissant sans redou-